conseillerpedago-s. BOUKHALEF

conseillerpedago-s. BOUKHALEF

DES PISTES D'ENTREE A L'OEUVRE INTEGRALE CYCLE SECONDAIRE QUALIFIANT

DES PISTES D’ENTREE A L’ŒUVRE INTEGRALE

CYCLE SECONDAIRE QUALIFIANT

                                                               

    

    PREAMBULE :   

               Eu égard aux incidences louables de la lecture  dans les classes de français au lycée marocain, l’œuvre intégrale se voit accorder une place de choix. Une telle proposition ne peut qu’induire un changement au niveau des programmes d’abord ; ensuite et surtout -et c’est d’ailleurs le plus important- au niveau du dispositif didactique et pédagogique mis en œuvre par l’enseignant.

            Force est donc de s’interroger sur les possibles démarches que l’enseignant doit adopter pour faire de la lecture d’une œuvre intégrale un véritable parcours de formation d’un apprenant-lecteur en devenir.

 DE L’INTERET AVANT TOUTE CHOSE …

La lecture de l’œuvre intégrale ne favorise pas seulement l’acquisition de savoirs et la maîtrise de compétences lectorales et interprétatives mais permet aussi aux apprenants de réaliser des expériences de lecture où se conjuguent la distance réflexive, le plaisir de la découvertel’interrogation éthique et surtout l’implication affective.

Faciliter l’accès à l’œuvre est à même d’éveiller la curiosité et susciter l’intérêt de l’apprenant quant à l’objet d’enseignement.

Pour ce faire, il est impératif pour l’enseignant de préparer des stratégies d’entrée dans l’œuvre accommodables bien entendu à la place de l’œuvre dans le projet annuel et au profil du groupe-classe.

 DEMARCHES POSSIBLES POUR ENTRER DANS L’OEUVRE :

 Qu’elle soit narrative, poétique ou dramatique, une œuvre doit être approchée selon une démarche commune. Celle-ci consiste   dans un premier temps en un travail progressif de contextualisation de l’O.I et surtout en une rentabilisation optimale d’une telle entreprise par rapport au projet global de lecture.

Ce travail préliminaire de contextualisation suppose évidemment une panoplie d’activités impliquant l’apprenant et faisant de lui le principal acteur de son propre apprentissage. Des travaux de recherche documentaire se verront concrétisés en classe en termes de comptes rendus, d’exposés...

Force est donc d’examiner les phases de ce processus de contextualisation d’une O.I et de rendre compte des effets de sens qu’implique une opération pareille dans le cadre de la préparation de l’entrée dans l’œuvre.

Il va sans dire qu’une exploitation pédagogique ciblée des divers paramètres contextuels (cf. 1) est déterminante car il s’agit  pour l’enseignant d’orienter le projet de lecture et d’amener l’apprenant à formuler des attentes que l’étude proprement dite s’assignera pour objectif de vérifier.

        1-   CONTEXTUALISER :

            a- Connaître l’auteur : quoi que puissent en dire les fervents défenseurs des théories structuralistes, être informé des éléments marquants de la vie de l’instance productrice du texte, sa formation, sa carrière c’est apporter un éclairage à la compréhension de l’œuvre. De surcroît, avoir un aperçu sur la production d’un auteur ne peut que faire prendre conscience aux apprenants de la pensée et des choix esthétiques de l’écrivain. Connaître Ahmed Sefrioui n’éclaire-t-il pas la personnalité profonde de l’enfant-protagoniste de La Boîte à Merveilles ?

      b- Connaître le mouvement d’idées /le courant esthétique dans lequel s’inscrit l’œuvre à étudier : on ne peut par exemple appréhender l’entrée à la lecture de Candide de Voltaire sans que l’apprenant ne prenne conscience des principaux idéaux du siècle des Lumières.

      c- Connaître l’atmosphère idéologique et les débats intellectuels, philosophiques, esthétiques ayant marqué l’époque dans laquelle l’œuvre vient prendre ancrage. L’approche du Dernier jour d’un condamné est difficilement envisageable sans avoir une idée des débats souvent houleux suscités par l’application de la peine capitale.

         d- Connaître les conditions de production de l’œuvre : débusquer les intentions d’écriture d’une œuvre constitue, lors de la préparation de l’étude de cette œuvre, est l’un des moments forts susceptibles d’orienter et de canaliser le projet de lecture en entier. La compréhension de La Vénus d’Ille, pour ne citer que cet exemple, est essentiellement tributaire de la nécessité de sauvegarder et de respecter les œuvres d’art selon Mérimée qui en est l’un des fervents défenseurs.

       e- Connaître les conditions de réception de l’œuvre : l’accueil réservé à l’œuvre, le public visé, la portée du livre sont autant d’éléments qu’un enseignant doit faire rentabiliser par ses apprenants. Le vocabulaire du terroir marocain traduit avec souci par Ahmed Sefrioui dans La Boîte à Merveilles exprime d’ores et déjà la vocation exotique du roman.

 Il faut toutefois signaler que ces éléments ne sauraient en aucune façon constituer une fin en soi. Le traitement de ces paramètres doit faire office d’une démarche herméneutique au cours de laquelle l’apprenant serait amené à esquisser des attentes de lecture et par le fait même à construire du sens.

A cette imprégnation strictement contextuelle succède une autre phase non moins importante, celle d’interroger,d’analyser et d’interpréter les indices paratextuels, véritable antichambre de l’œuvre.  

2-  LE PARATEXTE OU LA RENTABILISATION DES MARGES DU TEXTE :

 La démarche  à la fois didactique et herméneutique pour  lancer un projet  de lecture et mettre sur pied une séquence d’étude d’une œuvre intégrale consiste à repérerorganiserconstruire des savoirs potentiels en termes d’hypothèsesouvrant des perspectives de lecture ayant pour catalyseur les réactions et les représentations des élèves.

      a-      La première de couverture :    

  • l’intitulé de l’œuvre :

Maurice BLANCHOT dans son ouvrage critique L’espace littéraire n’a pas du tout tort de définir le titre comme une « unité discursive minimale » portant en germe le sens de l’unité discursive maximale qu’est l’œuvre. Il convient donc d’étudier sa construction syntaxique et lexicale, d’en saisir le sens apparent et d’en dévoiler la signification immanente parl’analyse de ses présupposés.

  • L’illustration :

L’image est à coup sûr un texte à part entière. Il incombe donc à l’enseignant de lui réserver une séance au cours de laquelle l’apprenant serait initié à la rhétorique d’un tel exercice et partant apte  à  sa double dimension dénotative et connotative. L’étude de l’illustration de La Boîte à Merveilles est édifiante à ce propos. Bref, l’étude de l’image ouvre à son tour des perspectives de lecture à plusieurs niveaux : thématique, actantiel, générique, culturel…                                 

b-     La quatrième de couverture :

 Le texte pouvant éventuellement figurer au dos d’une œuvre est à considérer de par sa nature et sa fonction. Qu’il soit un extrait de l’œuvre elle-même ou un propos d’une autre autorité intellectuelle, le texte rencontré a somme toute des implications de près ou de loin sur des aspects particuliers de l’œuvre à étudier. Nul besoin de rappeler en détail l’intérêt que représente le textes en quatrième de couverture de Il était une fois un vieux couple heureux, de la Boîte à Merveilles, de Candide ou autres.                                       

c-      La préface, la dédicace, l’avertissement, la citation en exergue, la postface…

 Ce sont aussi de véritables creusets de sens. L’exploitation de la portée expressive, incitative, programmatique ou argumentative d’une préface par exemple  pourrait éclairer l’apprenant sur le sens, la facture ou la visée du livre et l’amener par-là à entrevoir des entrées de lecture.

L’exemple le plus éloquent est, à ce propos, l’exploitation comparative des deux préfaces du Dernier jour d’un condamné.

 L’entrée progressive dans l’œuvre ne peut nullement occulter l’apport considérable de l’approche de l’œuvre par d’autres voies en vue encore et toujours de susciter l’envie de lire chez l’apprenant et l’amener à anticiper les contenus et les enjeux de l’objet d’enseignement.

 3-LES BOUTS DE L’ŒUVRE :

     a-      Le texte d’ouverture ou l’incipit :

 Il s’agit à travers la lecture des premières lignes ou pages d’une œuvre de vérifier certaines hypothèses émises lors de l’étude du paratexte et d’en concevoir d’autres pour créer une dynamique de l’attente et de l’anticipation. L’étude préalable du texte augural détermine forcément la suite de la lecture et permet à la classe d’entrevoir des perspectives susceptibles d’orienter le projet dans sa totalité. De par une prise de conscience de sa nature statique, progressive ou dynamique et de sa fonction informative, incitative, implicative, programmatique ou esthétique, les apprenants sont à même de formuler des attentes s’agissant des contenus et des choix discursifs et esthétiques de l’œuvre. En fait, les nombreux indices disséminés dans l’incipit ne peuvent qu’être éclairants quant à l’implication de l’apprenant-lecteur et à son engagement effectif dans cette entreprise liminaire de la construction du sens. L’étude de l’ouverture d’un Candide,d’un Dernier jour d’un condamné, d’une Boîte à Merveilles voire même d’une nouvelle comme Aux Champs est porteuse d’informations concernant la situation narrative, le pacte de lecture ainsi que son mode de fonctionnement

Les retombées sémantiques, discursives et esthétiques d’une étude raisonnée de l’incipit seraient aussi intéressantes si on les mettait en regard du texte de fermeture ou excipit.

 b-      Etablir un parallèle entre l’ouverture et la clôture de l’œuvre :

 Cette esquisse essentiellement comparative a le mérite d’amener la classe à comparer entre une situation de départ et une situation d’arrivée, d’en saisir les convergences, d’en identifier les écarts et surtout d’en interroger les transformations. S’interroger sur le pourquoi de ces dernières met l’apprenant en mesure de construire des horizons d’attente et partant de trouver un possible itinéraire de lecture. Nul besoin de rappeler les vertus d’une démarche consistant à esquisser les différentes correspondances et écarts pouvant avoir lieu entre le texte augural et le texte terminal de La Boîte à Merveillesà titre d’exemple. L’une des premières entrées dans ce roman serait de démontrer qu’à travers toutes les composantes de l’œuvre analysées jusque-là, le « Je »  est seul face au monde des Autres. Toutefois, la 4ème de couverture et surtout l’excipit font apparaître un nouvel élément : la boîte à merveilles présente dans le titre devient à la fin du roman des « figures de rêves ». Le projet de lecture aura donc comme problématique possible de chercher à comprendre le pourquoi de cette transfiguration et la relation qu’elle instaure avec l’écriture autobiographique.

Plus encore, la mise en regard des deux bouts de l’œuvre permettrait par exemple d’interroger le pourquoi de la pérennité de l’état de solitude chez le protagoniste et partant d’esquisser les contours d’une problématique d’ensemble à la lumière de cette structure en boucle caractérisant l’œuvre.

On voit bien que la comparaison de l’ouverture et de la fermeture n’est pas sans avoir des incidences de tout ordre sur la totalité d’un projet de lecture dont elle orientera le déroulement et fixera les objectifs à partir d’une problématique particulière. 

4- ENTRER PAR UN GROUPEMENT DE TEXTES :

 Concevoir la préparation de l’entrée à l’œuvre intégrale par le biais d’un groupement de textes est une entreprise pédagogique intéressante à bien des égards. Cela amènerait forcément l’apprenant à entrevoir des percées dans l’œuvre en interrogeant celle-ci selon des angles différents : thématique, discursif, littéraire, éthique, civilisationnel …

Il serait par exemple intéressant dans le cadre d’un projet d’étude de La Boîte à Merveilles, pour n’en rester qu’à cet exemple, de proposer un corpus d’extraits à la première personne : un extrait de journal intime, un extrait de Mémoires, unextrait de Confessions et un autre de l’œuvre à étudier. L’objectif de cette séance étant de permettre à l’élève supposé avoir acquis des outils de distinction entre le texte biographique et le récit de vie, de situer l’œuvre en cours d’étude dans la catégorie du roman autobiographique qu’est la sienne et d’en  identifier les spécificités.

La gamme des entrées dans l’œuvre intégrale n’est jamais pour autant limitée. La projection d’un extrait de film ayant trait, de près ou de loin, au projet de lecture de l’œuvre, l’exploration lexicométrique ou encore l’exploitation des différentes représentations des apprenants sont toutes possibles et prometteuses quant à l’approche préparatoire d’une œuvre intégrale. 

CONCLUSION :  

L’exploitation d’une œuvre intégrale en classe de français constitue  à  coup sûr une expérience remarquablement délicate à bien des égards mais ô combien fertile ! La phase liminaire de cette exploitation est sans conteste cruciale dans la mesure où elle se doit, avec le bon sens pédagogique de l’enseignant, d’amener les apprenants à s’intéresser à l’œuvre et, par voie de conséquence, à manifester  une envie et un goût pour la lecture. Mais il n’en demeure pas moins vrai que l’étude d’une œuvre intégrale ne peut s’avérer pertinente et efficace que si elle est intégrée dans un projet où cohérence, dosage, originalité et complémentarité seraient les maîtres mots.

                                                                        FIN



04/11/2014
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 120 autres membres