conseillerpedago-s. BOUKHALEF

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comment aider les élèves en difficulté?

                                            La prise en charge des élèves en difficulté

 

Le thème majeur des préoccupations de nombreuses écoles, est en effet la prise en charge des élèves en difficulté, impliquant un effort collectif de continuité de l'enseignement, de cycle en cycle et de classe en classe, pour chaque enfant.

Ce document, traitant de ce thème, fait part de mise en ordre des idées, sur une question peu développée dans les livres de pédagogie pratique, à laquelle chacun se confronte quotidiennement comme il peut, et qui mérite une réflexion sérieuse, en équipes .

La question, cruciale, des élèves en difficulté a diverses causes, dont on évoque le plus souvent les causes externes à l'école : milieu socio-familial, histoire personnelle, ou handicap de l'enfant. Il n'en sera pas traité ici, car cet exposé s'intéresse exclusivement aux causes internes à l'école, qui ne doivent en aucun cas être négligées, mais bien au contraire être explorées de façon approfondie et sereine par les équipes de maîtres, dans ses dimensions de remédiation, mais surtout de prévention.

Il convient aussi, en préalable, de faire la différence entre la partie de chaque classe qui est composée d'enfants plus lents que les autres, apprenant à leur rythme, mais qui suivent un contenu d'enseignement en phase avec le niveau de classe considéré, et les élèves déphasés, relevant de contenus d'enseignement de classes antérieures, et scolarisés dans leur classe actuelle en raison de leur âge, de leur cursus, ou de négligences diverses. Ce sont ceux-là qui nous préoccupent, les autres relevant simplement d'une différenciation des contenus d'enseignement, telle qu'on devrait la pratiquer dans toute classe normale, c'est-à-dire "hétérogène".

Il est important ici d'insister sur ce qui caractérise souvent ces élèves des groupes "faibles", à savoir une carence générale dans leurs habitudes de travail scolaire, qui provient à l'évidence de négligences passées dans le domaine de la formation de leurs "compétences transversales" : curiosité, attention, concentration, mémoire, méthode de travail, persévérance, finition, implication personnelle... La cause probable tient à la passivité intellectuelle de simples exécutants où ils ont été maintenus au fil des années, d'un enseignement uniforme et sans diversité de situations ou d'activités, de longues séquences fatigantes, d'une directivité intellectuelle constante de l'adulte, etc., alors qu'on connaît bien l'importance de l'association de l'enfant à la conception même de sa démarche d'apprentissage ... Ce que deviennent ces enfants après plusieurs années d'un tel régime a de quoi désespérer le collègue de 6ème dans une sorte de crispation mentale :ils paraissent incapables de se servir de leur cerveau pour penser par eux- mêmes, oublient aussitôt ce qu'ils apprennent, etc. ... Ils n'ont jamais connu le plaisir d'apprendre, et ontune image résignée et décourageante de l'école et de leur propreavenir. Ce tableau désolant n’est pas un constat général, et l'on ne doit pas s'en formaliser outre mesure, mais il existe et doit donc être présent dans les esprits.

 

Leur repérage :

A tout niveau, en toute classe, le repérage des élèves en difficulté grave devrait se faire à travers l'indispensable évaluation de début d'année, portant sur les acquis attendus à l'entrée de ce niveau de classe. Il ne s’agit pas de faire subir un "examen", mais de s'intéresser à ce que sait, ou  sait faire, tout enfant qui nous semble en retrait par rapport au reste de la classe. Non seulement sur le contenu du programme de la classe précédente, mais sur tous les savoirs et savoir-faire de la scolarité antérieure, maternelle et élémentaire, y compris les apprentissages les plus simples, tels que la tenue d'un crayon, la formation des lettres minuscules, etc. 

Ne pas oublier de penser aussi aux déficits sensoriels (vue, ouïe) éventuellement non détectés.

Toute carence ou lacune repérée doit alors faire l'objet d'une remédiation, prioritaire et persévérante, à partir du niveau réel de compétence de l'élève, et quel que soit le degré de carence. Il serait en effet aberrant de faire comme si l'élève pouvait suivre le cheminement ordinaire de sa nouvelle classe, ce qui ne peut que prolonger la succession des négligences dont il est déjà victime.

La durée de cette remédiation ? Tout le temps qu'il y faudra.

Comment ? C'est justement l'objet de la présente analyse.

 

Les causes :

Une analyse des vraies causes des carences scolaires est indispensable pour les équipes, lorsqu’elles se préoccupent sérieusement de prévention des échecs scolaires. Si cette prévention est réellement prise en charge, il est à espérer que la catégorie des élèves en malmenage scolaire disparaîtra en quelques années.

On peut avancer l'idée que la cause majeure tient au non respect de la règle suivante : tout niveau d'enseignement, de la préscolaire à la 5èmeannée, implique qu'en une première période de l'année scolaire, soientrécapitulés les acquis des niveaux précédentsaussi longtemps que nécessaire. Certes de façon plus rapide et plus dense que l'année précédente, cette récapitulation concerne tous les élèves, même les bonslesquels ont tout à gagner à consolider et enrichir à cette occasion les acquis antérieurs, pendant que les plus faibles en sont à les maîtriser enfin.

Certains niveaux sont encore plus importants que les autres pour ce type de consolidation :

- En premier lieu, la 3ème année, où réglementairement la 2ème année doit être récapitulé point par point sur plusieurs mois. C'est probablement dans la carence de cette récapitulation que réside la cause principale du processus de l'échec scolaire.

- L'entrée en 2ème année est très importante : il semble aller de soi (mais est-ce bien toujours pris au sérieux ?), que la 1ère année commence par au moins un mois de récapitulation des activités et acquis de la préscolaire, dans une tonalité de classe qui la rappelle pleinement. De ce point de vue, la liaison préscolaire 1ère année au plan pédagogique est déterminante.

- Enfin, l'entrée en 5ème année est l'occasion de la dernière chance, pour faire le point avant le franchissement décisif de l'entrée en 1èreA.M.

L'heure de l'alerte rouge pour sauver en quelques mois les élèves en grande difficulté ...

 

L’engrenage :

Si ces récapitulations annuelles, qui constituent un des éléments les plus précieux de la continuité des apprentissages et du suivi des élèves, ne se font pas convenablement, on embraye sur un rythme d’acquisitions au niveau de classe supérieur en ne vérifiant pas les carences du groupe "faible" (30%), et en ne consolidant pas les acquis encore incertains du groupe "fort" ... On fait comme si tous étaient en mesure de suivre le programme prévu, parfois même sans différencier le travail du groupe le plus rapide de celui du groupe le plus lent .

Ainsi les "faibles" deviendront de plus en plus faibles, entrant peu à peu dans la catégorie des retards lourds, selon le processus redouté. Ils en viennent à avoir honte d’eux-mêmes, font tout ce qu'ils peuvent pour dissimuler leurs échecs au maître et aux camarades, faisant eux aussi comme si... Ils vivent très mal leurs carences, s'enferment peu à peudans leur situation, en souffrent, et se replient sur eux-mêmes.Blocages, dégoûts, mentalité de vaincus, ils sont devenus alors des "cas", dont enfin on s'aperçoit, bien tard.

La prévention :

La réponse d'équipe qui semble aller de soi, est une réponse de précaution, pour assurer sans faille la prévention qui évitera cet engrenage, grâce à une récapitulation systématique des acquis de chaque élève, et une prise en charge sans retard des remédiations, ponctuelles ou massives .

Le lieu privilégié de ce travail est la 1ère et la 2ème année, dont l'action pédagogique est déterminante.

Pour la réussite de la prévention, il faut  alimenter la concertation des maîtres en conseils de dont on ne dira jamais assez l’importance.

                               Cette réflexion est essentielle dans un projet d'école.

 

Quand il est "bien tard", la question se pose autrement, en 3ème mais plus généralement en 4ème il s'agit alors de limiter les dégâts en vue d'un passage le plus honorable possible en 5ème année.

Pour entrer en 5ème année il est hasardeux de se risquer à définir un "niveau minimal" pour entrer en 5ème mais ce risque mérite d'être assumé pour aider les Collègues inquiets. D'ailleurs, il suffit de se rappeler la modestie des exigences minimales des professeurs de 7eAF beaucoup moins ambitieux que les maîtres de 6ème AF souhaitant des acquis scolaires élémentaires mais solides.

Ce "minimum" pourrait être situé à un niveau scolaire de fin de 1er trimestre de  4ème à partir d’une telle base, mais assurée, la 5ème devenue "de consolidations " peut assumer utilement la suite des apprentissages.

 

Il va de soi qu'en aucun cas on ne peut étendre ces considérations aux élèves en situation normale, c'est-à-dire la grande masse des élèves de 5ème AP pour qui les compétences de fin de cycle primaire sont évidemment le but à atteindre.

Sans être exhaustif, ce niveau minimal, pour lequel tout doit être mis en oeuvre, serait par exemple :

- avoir de bonnes habitudes de travail individuel et de vie collective.

- avoir le goût de l'école, celle où, même modestement, on réussit.

- être à l'aise dans son corps - coordination motrice et gestes sportifs.

- être entraîné à mémoriser.

- prendre la parole en public, de façon naturelle.

- comprendre un texte ordinaire en lecture silencieuse.

- lire à voix haute de façon fluide.

- produire des écrits modestes, et savoir en copier, soignés et bien écrits

- avoir quelques bases sûres de connaissance de la langue :

- des habitudes d'observation grapho-phonémique en orthographe.

- un premier capital de mots, connus sans faille.

- des habitudes d’observation analogique en grammaire.

- des bases simples mais sûres en conjugaison.

- connaître bien la numération décimale.

- maîtriser l'addition, la soustraction, la multiplication.

- avoir l'habitude des situations de recherche, notamment en mathématiques.

 

Comment y parvenir ?

 

Deux niveaux d'analyse :

1- "Théorie" :

- Un enfant en échec ne s'en sort que par lui-même.

- Un enfant en échec ne s'en sort que s'il a confiance en lui.

- Cette confiance ne se construit que par des expériences de réussite successives.

- Et dans une relation privilégiée avec un adulte dont il "sent" qu'il est prêt à l'aider de tout son cœur. Ce type de relation ne peut se développer que sur une formulation explicite des engagements réciproques, c’est-à-dire un "contrat" : comportant une reconnaissance préalable du chemin à parcourir et de la méthode qu'on va suivre, adhésion active de l'enfant au projet pédagogique individuel. Enfin, une acceptation inconditionnelle par l'adulte de l'échec de l'enfant, considéré comme base de départ et sans gravité, sur le chemin d'une réussite volontariste et optimiste ...

Cela exige toutes sortes de qualités de l'enseignant :

La sérénité : jamais de colère. Si l'enfant ne fait plus les efforts qu'il s'est engagé à faire, vient le moment où on lui fait comprendre  que  seule conséquence à en attendre serait une annulation du contrat. Jusqu'à ce qu'il montre qu'il a vraiment envie de s'en sortir.

La patience : vertu éducative par excellence.

La persévérance : s'il faut expliquer dix fois la même chose, on ré-explique dix fois (si possible en variant les supports). L'explication est l'aide pédagogique par excellence, et cette persévérance est pour l'enfant le signe même que l'engagement de l'adulte est sincère.

La fermeté (bienveillante) : On n'inverse pas le cours des choses avec des atermoiements.

 

2- "Pratique" :

Comment se préserver la possibilité matérielle d'une telle relation éducative, suivie et individualisée (qui, de plus, reste discrète par rapport à la conduite habituelle de la classe) ?

- D'abord, un ou des entretiens personnels avec l'enfant, puis si possible avec sa famille en sa présence.

- Puis établir le "contrat". Ce contrat gagne à ne pas rester implicite, mais au contraire à prendre une forme écrite  et signée des deux parties : l'enfant et l'enseignant. On a avantage, chaque fois que c'est possible, à le mettre au point et à le signer à trois : en y ajoutant la famille.

Dans ce contrat, en échange d'une assistance technique attentive de l'enseignant, l'enfant s'engage à développer l’effort nécessaire et sa famille à l’y aider dans la mesure de ses moyens. Il prévoit les bilans périodiques à trois : par exemple chaque mois, ou à chaque fin de période scolaire.

- Puis élaborer avec l'enfant une stratégie pédagogique de conquête ou de reconquête des compétences visées. L'idée majeure est de partir toujours de ce que l’enfant sait faire, et inventer avec lui son cheminement, ainsi que la manière de le mener, sa méthode de travail.L'idée importante est de décider ensemble avec l'enfant de la façon dont on va s'y prendre, puis de vérifier périodiquement s'il en est satisfait et est d'accord pour continuer ainsi.

- Faire le point avec lui explicitement de façon régulière et fréquente,soit chaque jour, soit autrement, sur l'avancée acquise, et la renforcer à l'étape suivante :

- Outils : si possible sans réutiliser (sauf si l'enfant souhaite fortement le contraire) les manuels scolaires avec lesquels il a échoué auparavant.

- Démarches : si possible sans réutiliser les démarches pédagogiques avec lesquelles il a échoué auparavant. Par exemple en lecture : peut-être connaît- il des mots ? Partir donc d'un enrichissement systématique de son "capital" de mots, jusqu'à ce qu'il en vienne à une observation comparative, introduisant ensuite à une systématisation progressive du déchiffrement (c'est –à- dire en revenir à la découverte de mots globaux nouveaux, à la manière de la préscolaire.

Ou à l’inverse: connaît-il seulement des lettres ? Apprendre complètement l'alphabet, et construire en même temps des mots avec des lettres ... Ou partir de livres qu'il aime regarder, pour mener une démarche d'apprentissage plus fonctionnelle ...

- Organisations :

Il est plus difficile de parvenir à se donner les moyens, surtout temporels, pour mener à bien cette opération :

- temps de l'enfant au travail.

- temps de l'enseignant en contrôle et soutien.

 

Diverse hypothèses :

Sans rien changer à la classe :

- Dégager l'enfant (ou le petit groupe d’enfants) en situation d'échec, d'un certain nombre de programmes et de participations à la classe : la remise à niveau l'emporte prioritairement sur diverses activités scolaires, à désigner. Cela conduit donc à un temps partiel (cas général), ou exceptionnellement un temps presque complet (cas lourds), donc à un emploi du temps explicite constituant la base du projet pédagogique individuel engagé.

- Préparer chaque jour un programme de travail individualisé, dans une "enveloppe"destinée à l'enfant et comportant les consignes et les outils de ce travail. Il va de soi qu'il a été convenu explicitement de ce qu'il a à faire de façon autonome lorsqu'il a terminé une tâche.

 

- En début de journée, aider l'enfant à s'y retrouver. En cours de journée, veiller au bon déroulement de son activité, en se donnant de courtes plages de présence auprès de lui lorsque la classe est en situation de recherche ou de travail autonome.

- Raccrocher l'enfant à la classe pour tout ce qui lui est accessible, et porteur de réussite :

E.P.S., activités artistiques, expression orale, audition de lectures ou d'exposés, poésie, découverte du monde, lecture feuilleton, etc.

En organisant la classe à cette fin :

-1) Groupes de niveaux, avec programmations différentes, et partage de la présence magistrale.

Ateliers tournants de diverses formes (notamment pour la lecture feuilleton).

-2) Travail par contrats individuels laissant un maximum d'autonomie aux bons élèves, donc du temps pour s'occuper des faibles en soutien scolaire.

-3) Monitorat : aide des forts aux faibles à certains moments : soit un groupe de bons élèves motivés, soit même un copain volontaire pour s'occuper de tel enfant en difficulté, qui peut même être associé au contrat initial.

-4) Voire: aide ponctuelle du père ou de la mère de l'enfant, présent(e) dans la classe.

-5) Ne pas oublier l'utilisation à cette fin du temps d'étude dirigée.

En procédant à des échanges entre enseignants :

- 1) Le décloisonnement : répartition des élèves en les brassant à plusieurs classes, selon des critères, ici, de compétence. Un exemple, en lecture, sur trois (ou quatre) classes, chaque début de matinée est consacré à un éclatement décloisonné de 1/2 heure ou 3/4 d'heure, en trois groupes d’effectifs inégaux :

- le plus chargé : bons lecteurs, plaisir de lire sur des techniques variées et intensives

- le(s) groupe(s) intermédiaire(s) : consolidation des savoir faire en lecture

- le moins chargé : enfants non lecteurs ou mauvais lecteurs, pour une prise en charge du type analysé plus haut.

- 2) Possibilité de recourir à une formule innovante, telle une action approfondie de remédiation en lecture d’une journée entière chaque semaine avec le groupe des enfants en grande difficulté de toute l’école (implication de tous les maîtres pour la prise en charge des bons).Cela a été expérimenté avec un succès total

- 3) L'intégration partielle d'un élève dans une autre classe, cela se fait soit unilatéralement, soit en échange d'élèves, notamment avec la classe de perfectionnement (mais non la classe d’adaptation, qui n’a qu’un an pour développer sa prise en charge très spécifique).

- 4) Des heures supplémentaires payées (ou bénévoles), hors temps scolaire, pour du soutien aux élèves en difficulté, dans le cadre du projet d'école.

- 5) Avec du personnel supplémentaire : le directeur déchargé ? l’aide éducateur ? des parents encadrant des études surveillées ? le maître de remédiation ?



29/10/2014
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